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Ame no Uzume : l’Ancêtre du Rituel, de la Danse et du Théâtre

Ame no Uzume est le personnage féminin le plus connu de l’épopée mythologique de la dynastie Tenno. Elle apparaît dans deux épisodes importants : le conte d’Amaterasu dans la grotte rocheuse, où elle utilise sa danse pour attirer le dieu du soleil hors de la grotte, et le mythe de la chute du petit-fils céleste. Dans les deux cas, elle se révèle, provoquant la transformation du cœur de son homologue. La prééminence d’Uzume est sans doute due à cette connotation sexuelle.

Les exhibitions d’Uzume, d’autre part, sont plus qu’un simple strip-tease, elles incluent des éléments rituels. Sa danse devant la grotte rocheuse, quant à elle, est reconnue comme une scène fondamentale du drame japonais. La figure de l’Uzume démontre ainsi qu’à l’époque antique, la danse, le théâtre et le rituel ne pouvaient être séparés les uns des autres. Et que la joie et la sexualité avaient leur place dans le ritualisme antique.

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Ame no Uzume

1. La figure mythologique de Uzume

Dans le Nihon shoki, la danse du personnage mythologique de l’Uzume devant la grotte rocheuse où la divinité du soleil Amaterasu s’est retirée en boudant est décrite comme joyeuse et enthousiaste. Cependant, la scène est décrite dans le Kojiki de la manière suivante :

Pendant ce temps, Amé-nó-uzume-nó-mikótó a confectionné une bande de manche avec les vrilles de la plante d’ombre céleste (hikage) de la [montagne] Amé-no-kagu-yama, a transformé les vrilles du masaki céleste en ornements de cheveux, a rassemblé les feuilles du petit bambou de la [montagne] Amé-no-kagu-yama en un bouquet dans sa main, a mis en place un… Elle a exposé ses seins et a tiré la bande de l’ourlet de sa robe jusqu’à sa gaine. Tout le haut royaume céleste éclata alors de rire, et les huit millions de divinités se joignirent à elle. 1

En conséquence, cette uzume dansante est mieux représentée comme une chamane féroce liée à des cultes de possession, ornant ses bras et sa tête de vignes, d’herbes et de branches d’arbres. Elle tient également une lance à la main, selon le Nihon shoki. Elle grimpe dans une baignoire renversée, qui sert de caisse de résonance à sa danse de piétinement, habillée comme elle l’est, et tombe dans une transe euphorique. 2 Uzume éveille donc la curiosité de la divinité du soleil, qui met fin à son isolement volontaire et permet au monde de briller à nouveau de sa lumière dans les deux variations légendaires. À cet égard, la danse d’Uzume apparaît dans les deux formes comme la méthode appropriée pour amener les divinités en colère à se calmer.

Dans le deuxième épisode, Uzume est un membre de la suite de Ninigi, le « petit-fils céleste » qui régnerait sur la Terre. Une divinité maléfique nommée Sarutahiko (wtl. « Prince of the Monkey Field ») se met en travers de son chemin et de celui de ses amis lors de leur descente sur Terre. Sarutahiko a un nez qui fait « sept mains de long », est extraordinairement grand et tire des rayons lumineux de sa bouche et de son anus. Les dieux du ciel ne savent pas s’il est hostile ou amical. Ame no Uzume prend l’initiative de clarifier la situation et exhibe à nouveau ses seins devant l’étrange dieu, en riant avec mépris. Sarutahiko déclare ensuite qu’il est venu pour guider le petit-fils céleste dans la bonne direction. Il n’est pas clair si c’était son but initial ou si Uzume l’a forcé à le faire à cause de ses actions. Uzume, quant à elle, utilise une sorte de strip-tease pour contrôler les autres divinités dans les deux situations.

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Uzume et Sarutahiko finissent par se marier. Et Uzume reprend une partie de son nom, « singe » (saru). Sarume no kimi – « maîtresse des femmes-singes » – est son nouveau surnom. Le mot singe ne fait pas référence à un gros mot, mais plutôt à un interprète, comme le montre un nom historique du théâtre No : sarugaku « musique de singe ». Les « femmes-singes », quant à elles, étaient des prêtres-danseurs de la cour du Tenno qui considéraient Ame no Uzume comme leur ancêtre. Les activités d’Uzume, comme sa danse sensuelle devant la grotte rocheuse et son flirt audacieux avec Sarutahiko, sont donc intimement liées au système rituel de la cour et servent de mythes fondateurs pour un certain nombre de rites couramment pratiqués. Le « rituel pour apaiser les esprits » (chinkonsai), selon le Kogo shi (écrit en 807), est dérivé de la danse de l’Ame no Uzume. Cela implique que les dieux auxquels s’adressent Uzume, Amaterasu et Sarutahiko étaient dans un état de ravissement et de malveillance, également appelé aramitama, ou état d’esprit sauvage et malin. La mission d’Uzume était d’utiliser des techniques théâtrales pour induire un état d’esprit doux (nigimitama) chez les différentes divinités.

Pour les époques suivantes, de tels rites ne sont que rarement décrits. Cependant, il existe une représentation du Kitano tenjin engi du XIIIe siècle qui décrit une scène similaire à celle d’Uzume. En présence d’un moine en prière, une dame de la cour habillée comme une servante du sanctuaire, mais avec le haut du corps exposé, fait des gestes avec un instrument rituel. Cependant, selon la légende du sanctuaire en question, la dame d’honneur accuse faussement le moine de harcèlement sexuel et est convaincue de retirer sa calomnie grâce à l’intervention de la divinité. Dans l’environnement médiéval, sa danse euphorique et son exposition ne sont donc plus perçues de manière positive, mais plutôt comme un signe de reconnaissance de culpabilité.

2. Uzume dans le kagura et l’ukiyo-e

La forme iconographique commune de l’uzume peut être clairement observée dans l’ukiyo-e de la période Edo, mais elle n’a pas grand-chose à voir avec le chaman provocateur des mythes à première vue. Il représente la déesse habillée comme une servante de sanctuaire en tenue classique (miko). En outre, les objets qu’elle tient dans ses mains proviennent essentiellement de rituels modernes de sanctuaires. Ce sont les danses dites kagura qui sont le plus probablement à blâmer pour ces qualités. Les danses rituelles sont généralement exécutées dans les temples shinto. Si les premières versions connues n’avaient pas d’intrigue dramatique, les kagura sous forme de thèmes mythiques dramatisés sont plus populaires depuis la période Edo. Le combat de Susanoo contre le serpent à huit têtes Yamata no Orochi, ainsi que la séduction de la divinité du soleil, sont deux des sujets les plus populaires. Étonnamment, Sarutahiko et Uzume apparaissent tous deux dans le kagura, de sorte que la danse-théâtre combine les deux événements mythologiques de la danse devant la grotte rocheuse et de la chute du petit-fils céleste. Sarutahiko est largement visible à côté d’Uzume devant la grotte rocheuse sur l’ukiyo-e correspondant.

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3. Uzume en tant que déesse de la chance (Otafuku, Okame, Oto Goze)

La position sensuelle d’Uzume dans les histoires se reflète dans les illustrations ultérieures, mais elle est loin d’être une vamp ou une femme fatale. Au contraire, son corps a été ironisé pour lui donner l’impression d’une jeune femme pleine d’humour, parfois odieuse, mais toujours ronde. On dit que son nom fait également référence à cette laideur (bien que l’origine soit discutable) : Uzume est traduit par « femme terrible » par Aston (1896), et par « femme dissuasive » par Florence (1919). Quoi qu’il en soit, Uzume est devenue par la suite une déesse de la chance sous une forme moins attrayante mais amusante, son apparence peu attrayante étant notamment considérée comme bénéfique pour éviter les catastrophes.

Uzume est également connue sous le nom d’Otafuku ou Okame, c’est un porte-bonheur communément humoristique. Otafuku est une petite femme rondelette au visage en forme de poire, au front haut et aux petits yeux rieurs, que tous les jeunes Japonais connaissent. Ces caractéristiques extérieures remontent à Oto-goze, un personnage du théâtre kygen humoristique. Elle appartient au groupe des « femmes laides » (shikome) et sert d’antithèse dramatique à la beauté éthérée des masques No féminins.

On ignore si la figure d’Oto-goze a été associée à Uzume dès le début ou s’il s’agit d’un développement ultérieur. Quoi qu’il en soit, le masque approprié existe depuis la période Muromachi et est associé non seulement aux otafuku populaires mais aussi aux représentations mythologiques d’Uzume. Ame no Uzume était autrefois la seule femme de l’ensemble des Sept dieux de la fortune (Shichi Fukujin), mais elle a finalement été remplacée par Benzaiten au début de l’ère Edo.

Certains illustrateurs, comme on peut le voir dans les images du XIXe siècle, ont représenté la laideur supposée d’Uzume/ Otafuku de manière assez littérale, peut-être pour minimiser la composante sensuelle du récit mythologique. En général, cependant, une représentation amusante, bien que pas particulièrement attrayante, de l’uzume a prévalu.

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